La pluie et le froid se sont abattus sur l’appartement et le cervelet d’Anton en ce rude mois d’octobre. Le thermomètre intérieur affiche +14, l’éthylotest -3. Anton s’est encore bien beurré les capillarités cette nuit et ne se lévèra pas de la jour-née.
Ding-dong ! Au vacarme de la porte d’entrée, Anton plonge la tête sous la couette et fait le mort.
Ding-dong-ding-dong ! Anton grogne et se lève.
C’est Daphné et son regard bovin. Daphné et son sourire niais, qui le traine dehors car il a promis (il ne s’en souvient pas) de l’accompagner à la séance inaugurale de l’association Zen et Zolie œuvrant pour la paix et le bien-être.
Le bien-être, une connerie qui sent l’enscens et la sueur, estime Anton. Un ersatz de teush.
Arrivé dans les locaux de Zen et Zolie, Anton n’a pas le temps de repérer les petits fours que la voix nasillarde de Daphné lui dresse les poils du cul : « Viens, la séance va commencer ! »
Pas de tatamis chez Zen et Zolie mais de vieux coussins vert bidet. Anton s’assoit dans le fond de la pièce : si tout le monde lui tourne le dos, personne ne le verra dormir. Il entend mais n’écoute pas le monologue néo-spirituel de Zen et Zolie. L’échine courbée, la respiration profonde, Anton s’apprête à plonger dans l’océan brumeux de ses songes.
Quand soudain !
Quand soudain, une de ses cellules grises réceptionne une bribe : « Il faut, comme on dit en Asie, contempler le soleil avec l’anus.. ».
Anton ouvre les yeux, Daphnée fronce les sourcils. Il faut quoi ? Contempler l’anus ? Zen et Zolie précise sa parole : « Comme si vous pétiez vers le ciel… ». Il s’agit de s’assoir vers l’avant pour libérer l’anus.
Libérer l’anus.
C’est une position fondamentale et Anton sent déjà qu’il va faire une connerie. Une connerie sonore. Contre toute attente, la séance requière toute son attention.
Anton et Daphné sont assis là sur leur coussin vert bidet, la bidoche en avant et l’anus en fleur. Comme deux connards, résume Anton luttant contre le flot de ses projections mentales tandis que son cyclope se dore la pilulle.
Soudain, un sifflement. C’est Daphné qui, rouge comme une pivoine, vient de faire l’expérience de la paix et du bien-être.